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Mais, ajouterai-je, et ceci du fait même de son influence sur la sensibilité de l’époque, le mouvement surréaliste a dépassé les cadres du groupe surréaliste.

Et comme la parole de l’homme ne vaut que s’il se situe par rapport à ce et à ceux dont il parle, j’ajoute, je déclare que j’ai cessé d’appartenir à ce groupe dont les recherches, en dépit de leur intérêt culturel, ne sollicitaient plus une attention que, seule, l’actualité immédiate, l’actualité à mon avis catégoriquement révolutionnaire de 1935, appelle et retient de toute sa violence.

Quoi qu’il en soit, dis-je et redirai-je envers et contre tous les idolâtres du culte des apparences, envers et contre tous les gargottiers du réalisme bourgeois situé par définition aux antipodes du réalisme socialiste, quoi qu’il en soit, Rimbaud et, à sa suite, tous les poètes dignes de ce nom, ont participé au progrès de la connaissance par la radiographie de leurs plus secrètes visions et des plus insaisissables reflets des choses en eux, selon la définition que les grands dialecticiens du matérialisme ont donné des notions.

D’autre part, les cloisons ne sont pas étanches. Aussi, le roman apparaît-il de plus en plus près du reportage ou plutôt le roman est devenu un reportage vu d’un œil assez particulier pour pouvoir garder, par delà l’anecdote, une valeur et une portée humaines toujours nouvelles.

Une description objective de la grande marmelade contemporaine implique son procès. Les œuvres qui comptent ont confirmé le jugement définitif prononcé par Tristan Tzara, au début de Dada : « Il n’y a que deux genres : le poème et le pamphlet. »

« Changer la vie », tel fut, comme le rappelait récemment Guéhenno, le cri très objectif du plus subjectif des poètes. Ces trois mots de Rimbaud, qui ont trouvé tout leur sens dans son attitude pendant la Commune, le situent parmi les révolutionnaires songeant, comme dit Marx, non plus à analyser le monde à la manière des philosophes, mais à le transformer.


Par la projection qu’il offre de sa réalité, dans le miroir grossissant d’un personnage imaginaire, le Créateur volontiers se propose de montrer l’individu dans ce qu’il a de moins réductible aux communes mesures sociales.

André Gide, par exemple, a créé un Lafcadio assez désinvolte pour incarner l’acte gratuit.