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IX


George se trouvait dans l’état d’un homme qui s’est engagé à prendre part à un concours public sans être convenablement préparé à la lutte. Il avait promis d’écrire un livre : la tâche lui semblait au-dessus de ses forces. Si au moins il avait pu revoir l’ouvrage, le corriger, le polir, avant de l’apporter à Mlle  Fearing, il se serait consolé par la pensée que les erreurs du premier jet ne seraient connues que de lui. Mais il avait promis de lire les chapitres à Constance à mesure qu’il les écrirait, et cet engagement le terrifiait. La charmante perspective de nombreuses entrevues avec elle était gâtée par la crainte d’être ridicule à ses yeux. Le livre allait être écrit pour elle seule. Ce serait un échec et il n’essaierait même pas de le publier, mais la certitude que le public ne serait pas témoin de sa déconvenue ne lui apportait aucune consolation. Mieux vaudrait mille fois être conspué par les critiques que de voir une expression de désappointement dans les yeux de Constance. Néanmoins il considérait sa promesse comme sacrée. En somme, devant l’insistance de Constance, il avait protesté de son incapacité autant qu’il avait pu. Elle verrait qu’il avait eu raison et reconnaîtrait la sagesse qu’il y aurait eu à attendre un peu plus longtemps avant de faire la grande tentative.

Il eut d’abord la sensation d’un cauchemar, dans lequel il se serait engagé à sortir d’un labyrinthe obscur dans un temps donné. Ses nerfs l’abandonnaient pour la première fois de sa vie. Il était tout d’un coup brûlant et brusquement redevenait glacé.