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de la pêche au homard. Avez-vous quelque chose ? « Voilà la manière de parler à ces gens-là, ajouta Johnson avec un sourire. Essayez-en.

— Mais ce n’est pas sérieux, objecta George en riant.

— Très sérieux. Et si vous vous mettez jamais à écrire quelque chose qui soit digne d’être lu, il faudra que vous voyiez davantage et pensiez moins. Ne lisez plus de livres pendant quelque temps. Lisez les choses et les gens. Trop penser sans voir, c’est comme de trop manger… cela met de la bile dans ce qu’on écrit. Essayez de tout, vous dis-je. Remuez-vous. Il va un âge où il vaut mieux user la semelle de ses souliers que des plumes… où la sueur du front vaut une douzaine de bouteilles d’encre. Ne vous asseyez pas devant votre bureau pour exhaler votre mécontentement pendant que votre cerveau se rouille. Envoyez promener tout cela ! c’est la volonté qu’il faut, le mouvement, l’énergie, frappez à toutes les portes. Croyez-vous que je sois arrivé où je suis sans de rudes combats ? Prenez tout ce qui se trouvera sur votre route, faites-le aussi bien que vous pourrez le faire. Vous obligerez les gens à vous apprécier malgré eux. »

Les yeux bleus du jeune journaliste étincelaient, les veines se détachaient sur ses poings fermés, il y avait comme un sourire de triomphe sur son visage et un accent de victoire dans sa voix. Il avait lutté et avait triomphé par son travail, son talent, et surtout par son incessante et infatigable énergie, et il en était fier.

Dans sa pauvreté George Wood trouvait que c’était en somme très peu de chose d’être directeur littéraire d’un journal quotidien. Ce n’était pas la position qu’il lui fallait obtenir s’il voulait épouser Constance Fearing.