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être déjà fait et soupçonnant pendant un instant que l’esprit du vieillard était dérangé. Il hésita.

« Vous croyez que je ne suis pas en état, n’est-ce pas ? demanda Craik, son rauque chuchotement s’élevant jusqu’au grondement. Eh bien, vous vous trompez. Je ne suis pas encore mort ; dépêchez-vous de l’envoyer chercher. »

Le docteur quitta immédiatement la chambre, pour donner les ordres nécessaires. Quand il revint, M. Craik avait les yeux grands ouverts fixés sur le feu.

« Donnez-moi quelque chose à boire, si c’est possible ? » demanda-t-il avec un certain accent d’énergie qu’il n’avait pas eu ce jour-là.

Tout en donnant à son malade un breuvage qu’il venait de préparer, le docteur commença à croire qu’il n’était pas encore au plus mal. Craik but avidement et remua ensuite les lèvres comme si cette boisson lui avait fait plaisir.

« Je ne veux pas faire faux bond à la mort, marmotta-t-il, mais il faut que j’aille jusqu’à demain matin, n’importe comment. »

Près d’une demi-heure s’écoula avant que Sherry Trimm arrivât, mais pendant tout ce temps Craik ne ferma pas les yeux. Son visage avait moins l’apparence de la cire et sa vue paraissait avoir recouvré un peu de cet éclat qui s’était effacé peu à peu durant toute la journée. Le docteur l’observait curieusement se demandant ce qui se passait dans son cerveau, quel était ce dernier reste de passion non épuisée qui avait causé ce retour soudain d’énergie, si cette manifestation de force était la dernière lueur de la lampe mourante, ou si enfin Thomas Craik, pour se servir de ses propres expressions, allait faire faux bond à la mort, comme tant de fois, durant son existence agitée, il avait trompé d’autres adversaires.