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bonheur présent. Il existait aussi au fond de son cœur un germe de tristesse, l’habitude de douter, qui s’était développée par suite de sa défiance de ses propres intentions. Elle était très riche. Qu’un prétendant pauvre se présentât, pourrait-elle s’empêcher de redouter qu’il ne cherchât son argent, quand elle avait de la peine à trouver de la foi en elle-même sur l’intégrité de ses plus insignifiantes intentions ? Elle ne pensait jamais à Grâce sans admirer sa confiance absolue dans l’homme qu’elle aimait.


V


Pendant que s’éteignaient les derniers rayons d’un après-midi de février, Thomas Craik était étendu sur ses oreillers, le visage émacié et jaune comme de la cire, les yeux enfoncés et presque éteints. De courtes mèches de cheveux d’un gris sale erraient sur son front et sur ses tempes comme des herbes desséchées. Il n’avait pas de barbe et ses lèvres pincées dessinaient une bouche mince et fixe. Immobile dans son lit, aucun signe ne trahissait la terrible lutte qui se livrait dans son cerveau toujours actif. Il ressentait jusqu’à la fin, ce qu’il avait toujours été dans les grands moments de sa vie, froid et recueilli en apparence ; mais en réalité agité par de violentes passions contradictoires.

Deux médecins se tenaient debout, en silence, devant la cheminée, dans laquelle un feu de bois brûlait doucement avec un bruit sourd, monotone, presque musical.

Un domestique était assis dans un fauteuil au pied du lit, ne quittant pas le malade des yeux. L’ameublement de cette chambre était somp-