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tait pas attiré par l’une des deux sœurs plus que par l’autre, n’était pas devenu amoureux à première vue, et n’avait pas perdu son cœur dans une vision de béatitude qui venait de prendre un nom. Mais, tout en marchant, il voyait constamment devant lui les deux gracieuses jeunes filles en simples robes noires, pleines de la fraîcheur et de la beauté de la première jeunesse, dans le contraste vigoureux de leur courage suranné. C’était tout ; mais ce tableau éveillait en lui cette inquiète et troublante aspiration à quelque chose d’indéfini, comme la continuation logique de deux existences entrevues, qui n’appartient qu’aux imaginations supérieures, et qui, tôt ou tard, les pousse à écrire des livres, comme la seule satisfaction possible à un besoin impérieux.

Tout en marchant, George Wood continua ses méditations, et le vivant souvenir de Constance et de Grâce Fearing ne le quitta pas jusque chez lui.

La petite maison qu’il habitait avec son père était des plus simples. À l’intérieur, rien qui ressemblât à du luxe ou à un embellissement. Les tapis bien balayés montraient la corde, les meubles soigneusement époussetés étaient très communs ; contre les murs aux teintes neutres, nul tableau. On y voyait peu de livres, sauf dans la chambre de George, contrastant avec le reste de la maison, surtout par son désordre qui, dans l’opinion de celui nui l’occupait, semblait l’ordre le plus parfait. Là, tout était en bois blanc : le plancher sans tapis, les chaises, des tablettes garnies de livres, une immense table, sur laquelle s’empilaient de nouveaux volumes aux reliures brillantes, et couraient épars des imprimés, des feuillets de manuscrits, des épreuves, et des coupures de journaux. Un porteplume usé était posé en