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« Et pourtant je ne voudrais pas en être privé.

« Je devrais l’oublier pourtant. J’ai essayé bien des fois, mal le mal augmente. J’ai parcouru la terre dans tous les sens, je n’ai éprouvé aucun bien de ces voyages. Le sait-elle seulement ! Après tout, il y aura quatre ans l’été prochain que le pauvre John Bond s’est noyé, et tout le monde dit qu’elle l’a oublié.

« Mais elle n’est pas femme à oublier, pas plus qu’elle ne l’est à passer sa vie dans un deuil perpétuel. Si je parlais, le fil pourrait se rompre ! Je la reverrais après, certainement, mais ce ne serait plus la même chose. Elle saurait mon secret, et tout serait fini : les heures passées ensemble, les causeries.

« Et pourtant, savoir… savoir la fin de tout cela,… le grand « peut-être, » le grand « si… » ! Mais il n’y a pas de « peut-être », et il ne peut y avoir de « si ». Elle est ma destinée, et c’est ma destinée que tout cela ne finisse qu’avec moi-même. En somme, ne vaut-il pas mieux avoir aimé, même aussi malheureusement, que d’avoir été marié à toutes les Constance et à toutes les Mamie de la terre !

« Bah ! tout le monde croit, je suppose, qu’il n’est rien que je ne puisse avoir avec mon argent ! Rien ? Il y a ce qui vaut seul la peine de vivre et que les millions ne peuvent acheter ! »

Les yeux du solitaire se fermèrent avec une expression de souffrance profonde, puis il laissa retomber son front dans la paume de sa main.