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Pour le moment, il était absorbé dans ses réflexions. La feuille de papier familière était devant lui et il tenait sa plume à la main, mais la pointe en était depuis longtemps sèche. Il s’était arrêté d’écrire. L’habitude de l’expression était si forte que ses propres pensées prenaient une forme comme s’il les eût écrites.

« Elles ont joué le rôle des Trois Parques dans ma vie se disait-il, Constance a été ma Clotho, Mamie, ma Lachésis,… Grâce est mon Atropos. J’ai aimé ma Clotho d’une façon toute juvénile. Elle m’a fait sortir de l’obscurité et du néant et a fait de moi quelqu’un. Quand je vois à quel point j’étais malheureux, et quand je pense que c’est à elle que je dois de m’être senti capable de faire quelque chose, il ne me paraît pas étrange nue j’aie pu l’adorer comme une sorte de déesse. Si les choses avaient tourné autrement, si elle m’avait accepté au lieu de me refuser, ce premier jour de main, si je l’avais épousée, nous aurions pu être très heureux pendant un temps, peut-être toujours. Mais nous n’étions pas à l’unisson et nos points de dissemblance ne se complétaient pas les uns les autres. Elle a épousé le Révérend Dr. Drinkwater, un excellent homme de vingt ans plus âgé qu’elle, et, elle semble être parfaitement heureuse. Si son bon mari venait à mourir aujourd’hui, pourrais-je le remplacer dans son amour ? Certainement non. Si Grâce avait épousé cet ecclésiastique. Constance eût-elle pu être pour moi ce qu’est Grâce, l’aurais-je aimée comme j’aime la femme qui ne m’aimera jamais ? Assurément non, la chose est impossible. J’ai aimé Constance avec la moitié de moi-même, et, j’ai été de bonne foi. Peut-être était-ce avec la partie la plus élevée, la plus idéale de moi-même, car je