Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/3

Cette page a été validée par deux contributeurs.

I


Les projets que Jonah Wood avait, de tout temps, formés pour l’avenir de son fils, ne s’étaient point réalisés. Pendant vingt-cinq ans, il avait anxieusement épié, en cet autre lui-même, l’éclosion des qualités qui seules, à son avis, peuvent mener un homme au succès.

Il fallait s’y résigner : George n’aurait jamais l’instinct des affaires. Si encore il eût consenti à entrer comme commis dans une banque, comme comptable dans une grande maison de finance ! Mais non : comme si le jeune homme avait juré de désespérer son père, il avait audacieusement énoncé l’idée de se vouer à la littérature.

Beaucoup de parents comprendront ce regret : M. Wood avait pourtant des raisons particulières pour ne pas en exagérer l’amertume. Avait-il le droit de vouloir, à toute force, pousser un fils dans la voie où il avait échoué lui-même.

Son histoire était bien simple. Issu d’une bonne famille de la Nouvelle-Angleterre, il était venu tout jeune à New-York avec un petit capital, du courage, de l’intelligence, et une absolue intégrité. La chance l’avait d’abord favorisé et, à quarante ans, il se trouvait à la tête d’une maison de banque dont la réputation était faite. Il avait alors épousé une jeune fille à laquelle il était attaché depuis des années et qui l’avait attendu avec une touchante fidélité. Elle était d’un rang social plus élevé que le sien, confinant même à la noblesse, mais de fortune médiocre. Un an après elle mourait, donnant le jour à George.

Cette terrible secousse troubla sans doute la lucide raison de Jonah Wood ; car ce fut à cette épo-