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ses soupirs, de ses gémissements, et de ses rugissements au milieu des arbres et des rochers. Les premiers flocons de neige vinrent tourbillonner autour des vitres et glisser jusqu’au bas du châssis de la fenêtre. Le vent s’apaisa et la neige continua à tomber silencieusement comme si du ciel un rideau de dentelle se déroulait sans fin. Puis, les flocons s’éclairèrent d’un rayon de soleil et se fondirent en de brillantes gouttes d’eau diaphanes qui disparurent à leur tour, et le petit morceau de ciel au-dessus de la cour reprit encore une fois sa clarté bleue, comme un saphir trempé dans l’eau pure. Il était plus de midi et George ne s’apercevait pas qu’il n’avait ni mangé ni bu depuis le matin et qu’il avait même oublié de fumer. L’un après l’autre, les feuillets avaient été numérotés, remplis, mis de côté, sans qu’il eût levé la tête, ni regardé ailleurs que sur son travail, dans la crainte de perdre quelque chose de la scène sur laquelle toutes ses facultés étaient intérieurement concentrées pour arriver à transcrire chaque mot, à noter chaque attitude fugitive et chaque geste des acteurs qui la jouaient à son profit.

Quelqu’un frappa à la porte, doucement d’abord puis un peu plus fort. Alors, ne recevant pas de réponse, on entendit les pas de cette personne s’éloigner. Un coup de canon tiré dans la chambre eût à peine fait tourner la tête à George en ce moment. Plusieurs minutes s’écoulèrent, puis des pas plus lourds se firent entendre de nouveau, la clef tourna, la porte roula sans bruit sur ses gonds. La tête grise de Jonah Wood parut dans l’entrebâillement. George n’avait rien entendu et pendant plusieurs secondes le vieillard l’observa curieusement. Il avait le plus grand respect pour la retraite de son fils quand il travaillait, bien qu’il