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« Et vous, êtes-vous très heureux ? ajouta-t-elle bientôt pour changer de conversation.

— Oui, je suis très heureux. Et j’ai des raisons pour l’être. Tout a bien marché pour moi depuis quelque temps. Mes livres ont eu beaucoup de succès, je vais me marier…

— C’est à cela que je faisais allusion, dit Grâce en l’interrompant. En somme, il est alors très heureux que Constance vous ait refusé ! Vous ne l’aimiez pas, en réalité, plus qu’elle ne vous aimait.

— Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

— Si vous étiez réellement amoureux, votre amour est mort bien facilement.

— C’est vrai, répondit George en souriant malgré lui.

— Du reste, quand je vous ai appris sa décision le 1er mai, vous n’avez pas agi comme un homme qui reçoit un coup terrible. Vous n’avez été qu’épouvantablement furieux.

— Je croyais avoir de bonnes raisons pour me mettre en colère.

— Si vous l’aviez aimée… comme quelques personnes aiment… vous auriez oublié vos raisons et vous vous seriez conduit tout différemment.

— Vous voyez peut-être juste. En revenant ici aujourd’hui, j’ai repensé à tout cela. Vous savez que je ne suis pas revenu depuis ce jour-là. Autrefois j’aurais senti mon cœur battre plus vite à mesure que j’approchais de la maison, et quand je tirais la sonnette, ma main tremblait. Aujourd’hui je suis venu ici froidement, comme si j’allais chez moi, et quand je me suis trouvé à la porte, j’étais beaucoup plus occupé de savoir si vous alliez mieux que de savoir si votre sœur était à la maison. Telle est l’inconstance du cœur humain.