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— Le climat n’est pas mauvais ici ; et quant aux affections… »

Mamie partit d’un éclat de rire nerveux.

« Non, dit George, comme pour répondre à un reproche non exprimé. Ce n’est pas cela que je veux dire. Je sais que vous avez tous beaucoup d’amitié et que vous êtes très bons pour moi. Mais vois ce pauvre John Bond. Il t’avait toujours semblé très insignifiant et je me demandais pourquoi il trouvait bon de vivre. Je le sais à présent. Il était aimé… aimé comme je m’imagine que peu d’hommes l’ont été. Si tu avais vu la figure de cette pauvre femme aujourd’hui, tu comprendrais.

— Je comprends sans l’avoir vue, dit Mamie d’une voix étouffée.

— Non, dit George, poursuivant le cours de ses pensées avec un manque de tact tout masculin, tu ne peux comprendre,… c’est impossible sans avoir vu. La noblesse de sa douleur montre ce qu’elle éprouvait pour cet homme. Il ne faut pas s’étonner qu’il eut l’air heureux ! Pour moi, si je m’étais noyé l’autre jour,… on en aurait été fâché, mais il n’y aurait pas eu de chagrin comme celui-là. »

Il se tut. Alors un sanglot court et vibrant interrompit le silence, et en retournant la tête il s’aperçut que Mamie s’était levée et sortait précipitamment par la porte du salon. Il se leva aussi ; mais, voyant qu’il était inutile de la suivre, il resta un instant immobile.

« Quelle brute je suis ! » pensa-t-il en se rasseyant.

Quelques minutes après, Totty vint le trouver, lui posa la main sur le bras et le regarda en face en parlant très doucement.