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Il riait assez souvent depuis quelque temps et même très naturellement.

« Allons, dis, Mamie ! cria-t-il en plongeant vivement ses rames clans l’eau. Je ne me fâcherai pas, j’en suis sûr, et j’ai perdu y habitude de croquer les petites filles. Qu’est-ce que c’est ?

— Pourquoi ne vas-tu jamais voir les Fearing ? Tu y allais si souvent autrefois ! » La physionomie de George changea, mais il continua de ramer avec la même régularité. Son visage devint très grave, et, sans le vouloir, son regard se dirigea à travers le fleuve vers l’endroit où regardait Mamie.

« Je savais bien que tu serais fâché ! dit-elle d’un ton de repentir.

— Non, répondit George, je ne suis pas fâché ! Je réfléchis. »

Il se demandait, en effet, jusqu’à quel point la jeune fille savait la vérité, et il était assez méfiant pour s’imaginer qu'en faisant cette question elle pouvait avoir un but. Mais Mamie avait pas la diplomatie de sa mère. Ses pensées étaient simples et naturelles. Il lui jeta un coup d’œil et vit qu’elle était troublée par l’indiscrétion qu’elle venait de commettre.

« Ta mère ne t’a-t-elle jamais rien dit de tout cela ? demanda-t-il après une longue pause.

— Non. Je ne connais que ce que tout le monde a su,… au mois de mai dernier, quand on en a parlé. Je me demandais… voilà tout… je me demandais si tu avais été très chagrin à cause d’elle. »

Il y eut encore un long silence, interrompu seulement par le bruit régulier des rames et des gouttes d’eau qui s’en échappaient et retombaient dans la rivière.