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dans un rêve, sur le yacht de M. Craik, mis par le vieillard d’une façon permanente à la disposition de sa sœur. Ce bateau était si merveilleusement aménagé, contenait tant de luxe et de confort que George ne pouvait se rendre compte que le voyage fût déjà terminé, il n’avait jamais franchi de pareilles distances que dans la chaleur et la poussière d’un train bruyant ou sur le pont encombré d’un steamboat public. Sur ce yacht, il avait goûté à l’ambroisie et bu du nectar ; il avait joui du beau paysage, de deux jolies figures toujours placées devant ses yeux, et de deux voix harmonieuses qui l’avaient enveloppé de leur séduction.

À l’arrivée l’enchantement, ne fut pas rompu et la maison de campagne de Totty prolongea sans interruption les sensations exquises qui n’avaient été qu’intermittentes pendant le mois dernier à New-York. Si Totty avait eu l’intention de jouer le rôle de tentatrice, plutôt que celui de principale consolatrice, elle n’aurait pu le faire avec une habileté plus diabolique.

George tomba sous le charme sans même chercher à résister. Pourquoi, se demanda-t-il vaguement, résisterait-il à ce qui était bon en soi et inoffensif dans ses conséquences ? Sa vie devenait tout à coup pleine d’agrément. Trait-il désappointer Totty et faire de la peine à Mamie par une résolution injustifiée de retourner dans la fournaise de la ville ? Il pouvait tout aussi bien travailler là que partout ailleurs, mieux même, s’il est. vrai que l’esprit est plus actif quand le corps n’est pas sujet à la souffrance. Il avait assez connu l’ascétisme obligatoire, depuis sa dix-septième année, pour croire qu’un excès de luxe à présent ne pouvait pas lui faire de mal. Il finirait par s’en lasser, sans doute, et serait alors bien aise de retourner à la simplicité de son existence.