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elle s’était aperçue, avec sa finesse toute féminine, qu’il était de ces gens qui n’ont pas d’illusions sur leurs œuvres et qui ajoutent peu de foi au jugement des autres à leur sujet. Elle remarqua bien vite qu’il ne tenait pas à voir ses livres sur la table du salon et qu’il soupçonnerait une intention préconçue de flatterie si on les y laissait. Ils furent donc relégués dans la bibliothèque et on ne les revit plus. Mais quand George lisait les journaux ou une revue, — comme on l’encourageait constamment à le faire sans façon, — Totty, qui causait beaucoup mieux que la plupart des femmes, saisissait parfois l’occasion de glisser dans sa paisible conversation avec Mamie quelque expression ou quelque pensée dont il s’était servi ou qu’il avait développée dans ses écrits. Elle évitait les citations directes, qui auraient pu être suspectes de maladresse, et se contentait de laisser tomber de ses lèvres les idées favorites de George d’une manière qui semblait parfaitement naturelle. Bien qu’il ne fût pas supposé les entendre, ces remarques ne lui échappaient pas et il en était satisfait malgré lui. La subtilité de la flatterie ne pouvait aller plus loin.

Quant à Mamie, elle était parfaitement heureuse ; sans s’en rendre compte, elle était fort éprise de George, et le voir aussi souvent et dans une pareille intimité lui semblait délicieux. Elle éprouvait même du plaisir à le voir assis silencieusement dans son fauteuil, c’était pour elle un bonheur de l’entendre parler, une joie réelle de l’attendre. Pendant l’hiver, elle avait été plus troublée qu’elle ne se l’avouait de son amour évident pour Constance Fearing. Les commérages à propos du mariage rompu lui avaient causé une peine d’autant plus grande qu’elle supposait que Constance