Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 143 —

dansait dans la perfection, montait bien à cheval, et jouait très habilement au tennis.

Son caractère représentait assez bien la combinaison de l’esprit mondain de sa mère avec la nature enjouée, généreuse et loyale de son père. Elle n’avait jamais songé à s’interroger elle-même, pas plus qu’elle n’eût pensé à arracher les ailes d’un papillon pour voir comment elles étaient attachées à son corps. Sa simplicité d’idées était mêlée d’une pointe de sentimentalité assez naturelle à son âge, mais dont elle était si honteuse qu’elle la cachait jalousement à son père et à sa mère, Les seuls signes visibles de cette sentimentalité se trouvaient dans un tiroir de son pupitre, sous la forme de deux ou trois fleurs desséchées, d’un bout de ruban, et d’un carnet de bal, sur lequel les mêmes initiales étaient griffonnées plusieurs fois. Elle n’ouvrait pas ce tiroir dans le profond silence de la nuit, ne couvrait pas les fleurs de baisers, ne pressait pas le ruban fané sur son cœur, pas plus qu’elle n’arrosait le carnet de ses larmes. Elle ne s’occupait guère de ce réceptacle que pour ajouter un nouveau souvenir à la collection, et si elle ne jetait pas les plus anciens, c’était qu’une sorte de commisération tendre lui faisait considérer ces objets comme des êtres vivants qui pourraient être blessés de cet irrespect. Sa coquette chambre contenait, du reste, plus d’un cadeau fait par George Wood, depuis un livre d’images portant la marque du temps et de l’usage jusqu’au dernier roman du jeune homme, depuis sa première raquette de tennis, à présent tout usée et à moitié détendue, jusqu’à une jolie pendule de voyage en argent ciselé que son cousin lui avait apporté à son dernier anniversaire de naissance, comme une sorte de sacrifice propitiatoire pour sa négli-