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renouveler ses invitations à des intervalles plus rapprochés. Il avait craint d’abord que le visage sombre et sérieux du jeune homme, son maintien grave, ne cachassent l’âme d’un fat en herbe ; mais il découvrit bientôt que ces appréhensions étaient sans fondement. De temps en temps son convive émettait bien une opinion surprenante, une phrase d’un cynisme glacial retournées évidemment dans sa cervelle depuis longtemps, mais qui forçaient l’intelligence exercée de M. Trimm à penser plus sérieusement que d’habitude. Certainement les remarques de George étaient souvent paradoxales, mais elles ne déplaisaient point à son auditeur. Enfin, ayant réussi dans sa profession, il flairait de loin la capacité du succès chez les autres. Familiarisé par les habitudes et les travaux de sa vie active, à juger rapidement les hommes et les choses, il reconnut en George, et sous une autre forme, la force à laquelle il devait lui-même sa réputation, sans songer pour cela à s’immiscer dans la manière précise d’employer cette force. Plus d’une fois, cependant, il avait demandé à George ce qu’il comptait faire, et celui-ci avait répondu, avec une expression de résolution un peu inopportune, qu’il ne se croyait bon à rien et que, lorsqu’il n’y aurait plus à manger à, la maison, il trouverait sans doute son vrai niveau en grimpant à de longues échelles avec une charge de briques sur l’épaule. En ces occasions M. Trimm exprimait ordinairement son incrédulité par un sourire aimable et versait un autre verre de vin à son jeune convive. Il était convaincu que George ferait quelque chose et le jeune homme, qui ne rencontrait guère de sympathie dans sa vie, appréciait ce tacite encouragement avec reconnaissance.

Mais Mme Trimm, peu éloignée de penser de son