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SOUVENIRS

chez de bien bonnes gens, et j’espère qu’il ne sera par découvert. Pauline vous racontera son histoire qui vous intéressera sûrement, quoiqu’elle ne soit pas à beaucoup près aussi tragique que les nôtres. »

Que vous dirai-je de l’effet produit sur nous par tous les détails qui nous parvinrent après coup sur l’horrible mort de Mme  de Lamballe ? Quand on l’eut séparée de Mme  de Tourzel, on la conduisit d’abord à côté du portail de la première cour de la Force, où les assassins venus pour l’égorger firent d’inutiles efforts pour lui faire répéter les outrages dont ils couvrirent le nom sacré de la Reine. — Non, répondit-elle, jamais ! jamais ! plutôt mourir ! Entraînée par ses bourreaux auprès de cet amas de cadavres dont parle Mme  de Tourzel, on la força de s’agenouiller, et, après l’avoir frappée de plusieurs coups de sabre, on lui déchira le sien, on lui arracha le cœur, on lui coupa la tête, on lui rougit les joues avec du sang ; on força, comme je vous l’ai déjà dit, un malheureux coiffeur à friser et poudrer ses longs cheveux bonds qu’elle avait eus les plus beaux du monde ; et puis ces cannibales se formèrent en affreux cortége, précédé par des fifres et des tambours ; ils portaient la tête sur une pique et furent la faire voir au Duc d’Orléans qui se montra sur un balcon de son Palais-Royal à côté de Mme  Agnès de Buffon… (vous voyez si la Duchesse d’Orléans avait manqué de bonnes raisons pour aller se réfugier à l’hôtel de Penthièvre ?) M. Thierry de Ville-d’Avray m’a dit depuis ce temps-là que le même cortége était arrivé sous les murs du Temple