Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
SOUVENIRS

château par une petite porte auprès des souterrains. Nous nous trouvâmes sur la terrasse, puis à la porte du pont Royal. Là, notre protecteur nous quitta, ayant, disait-il, rempli son engagement de nous conduire sûrement hors des Tuileries.

« Je pris alors le bras de Mme de Tarente, qui, croyant se soustraire aux regards de la multitude, voulut, pour retourner chez elle, descendre sur le bord de la rivière. Nous marchions doucement et sans proférer une parole, lorsque nous entendîmes des cris affreux derrière nous. En nous retournant, nous aperçûmes une foule de brigands qui couraient sur nous le sabre à la main ; à l’instant il en parut autant devant nous et sur le quai par dessus le parapet ; d’autres nous tenaient en joue, criant que nous étions des échappées des Tuileries.

« Pour la première fois de ma vie j’eus peur ; cette manière d’être massacré me paraissait affreuse. Mme de Tarente parla à la multitude, et obtint que sous escorte nous serions conduites au district.

« Il fallut traverser toute la place Louis XV au milieu des morts ; car beaucoup des Suisses y avaient été massacrés. Nous étions suivies d’un peuple immense qui nous disait toutes les injures possibles.

« Nous fûmes menées rue des Capucines, et là nous nous fîmes connaître : la personne à qui nous parlâmes était un honnête homme ; il jugea promptement combien était pénible la position