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SOUVENIRS

nous promîmes, quels que fussent les événemens, de ne pas nous séparer[1].

« Bientôt après le départ du Roi, commença une canonnade dirigée contre le château ; nous entendîmes siffler les balles d’une manière effrayante ; les carreaux cassés et les fenêtres brisées faisaient un vacarme effroyable. Pour nous mettre un peu à l’abri et n’être point du côté d’où l’on tirait le canon, nous nous retirâmes dans l’appartement de la Reine au rez-de-chaussée sur le jardin. Là, il nous vint à l’idée de fermer les volets et d’allumer toutes les bougies des lustres et des candélabres, espérant, si les brigands devaient forcer notre porte, que l’étonnement que leur causeraient tant de lumières nous sauverait de leurs premiers coups et nous laisserait le temps de leur parler. À peine nos arrangemens étaient-ils finis, que nous entendîmes dans les chambres précédentes des cris affreux et un cliquetis d’armes qui ne nous annonça que trop que le château était forcé, et qu’il fallait nous armer de courage. Ce fut l’affaire d’un moment ; les portes furent enfoncées, et des hommes le sabre à la main, les yeux hors de la tête, se précipitèrent dans le salon ; ils s’arrêtèrent à l’instant comme stupéfaits : une douzaine de femmes dans cette chambre !

  1. Louise-Emmanuelle de Chastillon, fille de Louis, dernier Duc de Chastillon et d’Adrienne de la Baume-le-Blanc de la Vallière. Elle était première femme de M. le Duc de la Trémoille, alors Prince de Tarente, et elle est morte en émigration, à Pétersbourg, en 1799.