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SOUVENIRS

pour nous que les bourreaux de notre patrie s’appelassent Tallien, Carnot, Roberspierre ou Collot-d’Herbois ; je pensais qu’en résultat de cette péripétie conventionnelle, il n’y aurait autre chose de changé pour nous que le nom du tyran : j’en ressentais, et c’était pour la première fois depuis la révolution, du trouble dans les idées avec des prévisions sinistres ; vous allez voir que ce n’était pas sans motif, et vous savez ce que je vous ai déjà dit sur mes pressentimens.

Parmi les employés supérieurs de notre prison, il se trouvait un ancien récollet, nommé Dasny, qui remplissait les fonctions d’adjoint au greffier, et qui m’avait pris dans une aversion que je lui rendais au centuple, attendu qu’il s’y joignait toute l’horreur et tout le mépris qu’on doit éprouver pour un renégat. Cet homme avait entrevu quelque chose de nos relations avec l’extérieur, et malgré sa dépendance à l’égard de notre chef de geôle, il en fit l’objet d’une dénonciation qui n’eut aucun résultat parce qu’il avait gardé l’anonyme avec prudence, et surtout parce que notre geôlier normand était la créature de Tallien qui le défendit envers et contre tous. Nous avons eu lieu de penser qu’il revenait qnelque chose à Tallien de nos contributions hebdomadaires ; mais c’était peut-être un jugement téméraire, et dans tous les cas c’était un motif de sécurité pour nous ; ne me le reprochez pas.

Il ne faut pas supposer que la mort de Roberspierre ait déterminé sur-le-champ la fin de la terreur. — Nous ne voulons pas devenir des modérés, s’écriait Tallien du haut de la tribune, et tout ce