Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

diteurs parurent frappés, les uns d’inquiétude et les autres de satisfaction.

René Dupont voyait toutes choses et les voyait exactement bien. Je lui avais permis de s’habiller en carmagnole ; mais il ne pouvait se décider à se coiffer d’un bonnet rouge, et pour ne donner aucun signal de méfiance avec un chapeau sans cocarde, il avait pris le parti d’aller toujours nue-tête, avec sa profusion de cheveux roux en si bel ordre, qu’il en avait l’air d’un terroriste accompli. Les choses qu’il me rapportait ne manquaient jamais d’exactitude, et si vous êtes curieux des scènes de voirie pendant la révolution, faites-le parler.

Roberspierre accompagné de ses principaux affidés, au nombre d’une vingtaine, ne fit qu’apparaitre et disparaître devant le tribunal révotulionnaire, et suivant la règle qu’il avait faite, on se contenta de reconnaitre son identité. On fut obligé de le coucher au fond du tombereau, parce qu’il était déjà moitié mort de frayeur et de souffrance. On eut beaucoup de peine à le faire parvenir jusqu’à la guillotine ; et par deux fois, la charrette fut arrêtée par des furieux qui demandaient à le déchirer. Il est certain qu’on abandonna son cadavre à la rage du peuple, et ce qui n’est pas moins assuré, c’est qu’il était resté l’idole du peuple jusqu’au moment de sa mise en accusation. Tout ce que je vous raconte ici fut l’affaire de vingt-quatre heures, et voilà ce qu’il est convenu d’appeler le neuf thermidor.

Je n’en éprouvai d’abord aucun sentiment de confiance ; il me paraissait tout-à-fait indifférent