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dont j’ai gardé le manuscrit pendant trois jours et que je me suis fait lire deux fois, afin d’en pouvoir porter un jugement plus équitable et mieux dégagé de toute prévention. Il n’est pas certain qu’on doive les publier, dit Soulavie, parce qu’on est en marche pour les vendre à un Anglais qui accapare tous les manuscrits et qui n’en laisse imprimer aucun ; en outre, ils peuvent être perdus ou détruits étourdiment. C’est à cause de cela que j’en ai fait un extrait ; et vous allez voir que c’est un document révolutionnaire assez curieux.

Il est à désirer que le démon de l’orgueil et de l’égalité ne vienne plus dévaster la France en égorgeant ses adversaires et finissant par dévorer ses apôtres ; il est à désirer surtout que les opinions philosophiques et politiques de Mme Roland, ne produisent plus chez nous leur effet naturel, en y soulevant les passions les plus aveugles, en déchainant une populace en furie contre l’autorité du Prince et celle du Pontife, contre la prérogative héréditaire et les supériorités inoffensives de la noblesse ; enfin contre les notabilités viagères de la bourgeoisie, qui sont ou qui devraient être la vertu, le savoir, l’opulence et les talens !

J’ai vu dans la première partie de ces mémoires, et j’en crois Mme Roland sur sa parole, qu’elle avait une âme forte avec un esprit solide et fin. Elle était vive et recueillie, et bien qu’elle eût un caractère infiniment doux, elle ne voulait suivre aucun avis lorsqu’elle n’en voyait pas la nécessité. Elle ne cédait presque jamais à l’autorité paternelle, et quand ses parens finissaient par lui donner le fouet, elle