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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ment doux, et ses lèvres charmantes ainsi que le bout de ses jolis doigts, étaient naturellement d’un incarnat et d’un éclat aussi vif que du satin ponceau. Quand on la vit paraître à la Cour avec sa belle-sœur, on aurait dit une de ces blanches et douces colombes de l’Atlas avec leurs becs et leurs pieds de corail, à côté d’une orfraie, d’une manière de chouette ébouriffée, ou si vous l’aimez mieux, d’une perruche à bec retors, avec des yeux ronds à deux cercles noir et blanc, franc-doubles, assez dépenaillée pour le corsage, avec la peau rougeâtre et la huppe hérissée (sans parler des griffes noires) ; enfin, pour avoir le naturel et l’apparence d’un oiseau de proie, je n’ai jamais vu demoiselle d’Auvergne ou d’autre pays qui fût comparable à cette Csse Diane de Polignac, sinistre Phœbé, cette lune rousse ! ainsi que l’appelait M. de Lauraguais.

Il était impossible de voir la Comtesse Jules sans la remarquer et sans désirer la connaître. Il était impossible de la connaître sans l’aimer, sans avoir envie d’employer son crédit pour elle et sans désirer l’occasion de lui témoigner un sentiment d’obligeance et d’empressement. Elle était du petit nombre de ces heureuses personnes qui n’ont besoin que de paraître en face de leurs ennemis pour désarmer la malignité jalouse et triompher de l’injustice ; aussi bien lorsqu’on apprit que la jeune épouse de Louis XVI avait l’air d’éprouver pour cette aimable jeune femme, une disposition de bienveillance et d’affection distinguée, je vous assure que les personnes judicieuses et les honnêtes gens n’en éprouvèrent pas plus d’étonnement que de contrariété.