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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

seule inquiétude, de ne pouvoir dérober le secret de sa vie à l’admiration publique ; et dans cet instant même, où son humilité ne lui permet pas de fixer ses regards sur sa propre image, elle ajoute, sans le vouloir, au nouveau trait de ressemblance entre le modèle et le tableau. »

M. Necker ne pouvait négliger aucune occasion de se mettre en scène ; il ne manqua pas de vouloir profiter d’une circonstance où l’on avait à parler finances, et le moyen qu’il imagina fut de publier un mémoire qu’il avait composé pour éclairer le conseil de S. M ; il y joignit je ne sais quels tableaux financiers qu’il intitula Compte rendu de son administration, et vous imaginez ce que pouvait être un écrit de M. Necker sur M. Necker ! Il osa faire imprimer et distribuer ce document sans en demander l’autorisation du Roi dont il avait été le ministre ; il avait, disait-il, à ménager sa réputation de capacité financière ; il appelait ceci ma Renommée, cet homme des quatre règles, ce personnage à crédit, ce traficant d’escomptes ! et les explications qu’il daignait opposer au blâme universel étaient d’une impertinence inouïe. Ce n’était pas seulement l’orgueil encyclopédiste et protestant qui vous y choquait, c’était une sorte d’importance à la Turcaret et de fatuité juive. Ce fut alors que les partisans de M. de Maurepas, ce vieillard frivole qui n’eut d’autre énergie que celle de sa rancune contre Louis XV, qui n’avait rétabli les anciens parlemens que pour remettre en question ce qui se trouvait décidé, et qui s’était fait un jeu de contrarier la sagesse et les grandes vues de M. Turgot ; ce fut