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cer ses deux mains sur les hanches, en ayant soin de lui écarter les bras du corps afin de les arrondir en forme d’anses, et puis, on enfonçait brutalement et très inhumainement dans son gosier des oignons blancs, des racines de guimauve, des bâtons de réglisse, des paquets de chiendent, des quartiers de pommes et des monceaux de figues sèches. On y ajoutait du miel roux et du miel de Narbonne, qu’un lui faisait entrer dans la bouche et la gorge avec des spatules de bois, et puis c’était de grosses poignées des quatre-fleurs qui l’étouffaient plus que tout le reste, disait-elle, et son supplice n’était un peu soulage que lorsqu’on en venait à lui faire avaler une énorme quantité d’eau froide au moyen d’un entonnoir de ferblanc.

Mais voici le Diable qui battit Job ! En la prenant par ses deux anses, ainsi qu’une demoiselle de paveur, car on n’a jamais vu cafetière de sa taille, et de cette contenance, on allait la mettre au feu pour y bouillir pendant toute la nuit comme un coquemard de tisanne… — Non, disait-elle en gémissant et pleurant du souvenir de ses tortures, au travers de ses rires, — Non, jamais on n’a souffert un martyre semblable à celui que j’éprouve toutes les nuits ! Il me semble aussi que je m’entends rugir de douleur et que la grande femme se met à dire : — Allons donc, on est trop heureuse de souffrir pour ce bel ange ! Il y a quelquefois des dissertations de cet indigne médecin qui me révoltent, et c’est quand il entreprend de démontrer à tous ces démons, qui en rient aux éclats, que je ne dois pas souffrir autrement qu’une bouilloire, et que je