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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

jointe, et que j’aimais beaucoup, s’appelait Martine Levacher ; elle était veuve d’un fermier de M. de la Rochejaquelein qui avait été fusillé sur la grève d’Avranches, après la déroute de Granville. Elle nous contait simplement les plus admirables choses du monde, je passais régulièrement tous les jours une heure ou deux à causer avec elle et nous disions souvent nos prières ensemble.

— Je veux faire abattre ton vieux clocher pour que vous n’ayez plus rien ici qui vous rappelle vos superstitions d’autrefois, disait un conventionnel au mari de cette femme.

— Vous serez bien obligé de nous laisser les étoiles qui sont plus anciennes et qu’on voit de plus loin que notre clocher, lui répondit ce paysan.

Quoiqu’elle ne fût plus jeune, on voyait qu’elle avait été très belle, et Stofflet aurait voulu l’épouser après la mort de son mari. Je l’aurais assez bien aimé, disait-elle ; mais comme il ne faut avoir en vue, quand on se marie, que d’avoir des enfans pour en faire de chrétiens, j’ai toujours refusé d’épouser M. Stofflet, parce que je n’étais plus en âge. Il parait que cela n’est pas si bien assuré pour les hommes ; mais pour les femmes qui se remarient quand elles sont hors d’âge, il m’est avis qu’elles ne sont pas en sûreté de conscience.

Voyez jusqu’où peut creuser la profondeur, et jusqu’où peut s’élever la sublimité d’une foi sincère, et remarquez bien que c’est une pauvre paysanne à qui j’ai ouï dire ceci.

J’étais donc au Luxembourg aussi bien que possible étant prisonnière et sous le régime de la ter-