Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
SOUVENIRS

croirai plus à votre amitié. « Peut-on cacher son cœur aux cœurs qui sont à nous ? »

La maladie qu’elle éprouvait était un cauchemar aussi persistant que celui de la Duchesse de Devonshire, et ce n’était certainement pas à l’usage ou l’abus du magnétisme qu’on pouvait l’attribuer, car elle avait des magnétiseurs une crainte mortelle, une horreur invincible ; et je me servirais du mot d’exécration s’il ne faisait pas disparate avec un caractère aussi tempéré que le sien. Je vous affirme qu’elle a toujours été de la sincérité la plus candide ; ainsi n’allez pas soupçonner celle de son récit, où je tâcherai de ne rien omettre, et où vous pouvez être assuré que je n’ajouterai rien.

Aussitôt que ses femmes étaient sorties de sa chambre à coucher et que les rideaux de son lit avaient été fermés, elle éprouvait une oppression fiévreuse ; elle ne manquait pas de sonner, et personne ne venait. Elle entr’ouvrait ses rideaux pour ne pas étouffer, et voici l’étrange illusion dont elle était obsédée.

Elle apercevait d’abord un brasier des plus ardens qui remplissait l’âtre de sa cheminée. Elle entendait ouvrir les deux battans d’une porte qui communiquait de sa chambre à son second salon, et puis elle entendait tousser en fausset avec une opiniâtreté criarde.

Il arrivait premièrement dans sa chambre une femme très grande et misérablement vêtue, dont les sales jupons étaient rongés inégalement jusqu’à mi-jambes, et dont la tête était couverte d’un bavolet de grosse toile écrue, ce qui n’empêchait pas de voir qu’elle