Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

part de la Maréchale de Mouchy, qui voulut absolument accompagner son mari devant le tribunal révolutionnaire[1]. Le geôlier, la geôlière avec tous les guichetiers et leurs ogrichons, lui disaient, dans la cour où nous étions descendus et rassemblés pour leur faire nos tristes adieux : — Mais reste donc, va-t’en donc, citoyenne, tu n’es pas mandée par le tribunal.

— Citoyens, répondait-elle, ayez pitié de nous, ayez la charité de me laisser aller avec M. de Mouchy ; ne nous séparez pas !

Son bonnet tomba par terre, elle se baissa péniblement, et le ramassa pour en couvrir ses quelques cheveux blancs… Enfin son dévouement triompha

  1. Anne-Claude, Marquise d’Arpajon, Grande d’Espagne et Grand’Croix de l’ordre de Malte, née en 1729, mariée en 1741 à Philippe de Noailles, Baron de Mouchy-le-Châtel et Châtelain de Silly, Maréchal de France, Chevalier de l’ordre insigne de la Toison-d’Or, Grand’Croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, comme aussi de l’ordre militaire et hospitalier de Saint Jean de Jérusalem de Malte, Gouverneur des ville et châteaux royaux de Versailles et de Marly, ancien Ambassadeur de France auprès du Roi de Sardaigne etc. etc. etc. Il faisait toujours courir quatre pages avec ses titres, et l’on n’avait jamais vu de Grand Seigneur aussi petitement vaniteux. Au Partage de la succession du Duc de Villeroy, le Maréchal de Mouchy avait trouve moyen d’acquérir la principauté de Poix qui était sortie pour la deuxième fois de votre famille à la mort du dernier Duc de Lesdiguières et dont il avait fait prendre le titre à son fils ainé, le Marquis de Noailles, lequel est aujourd’hui Prince de Poix et Capitaine des Gardes-du-Corps. Ladite principauté de Poix, qui vous provenait des anciens Comtes de Soissons, était entrée dans votre maison par héritage en l’année 1497, et n’en est sortie qu’en 1722. (Note de l’Auteur.)