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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

C’est que j’en ai vu de ces misérables juges en savates et en finge sale ; j’en ai entendu qui s’écriaient le jour où l’Assemblée nationale avait décrété que le droit de faire la paix et la guerre appartenait à la nation. – J’l’avons gagné l’droit d’guerre et d’paix ! J’l’avons gagné ! Guerre aux châteaux !!!

J’avais impérieusement exigé que votre père ne quittât pas notre châtelet de Jossigny pendant toute la durée de ce procès. Je tombai malade de fatigue en revenant de l’audience et je vais laisser parler M. de Penthièvre.

    que la Reine Marie-Antoinette envoyait tout l’argent du trésor à l’Empereur, son frère. On avait persuadé, non-seulement aux badauds de Paris, mais à un certain nombre de législateurs, que les aristocrates avaient fait creuser et miner tout le Champ-de-Mars et tous les bâtimens de l’École-Militaire afin de les faire sauter le jour de la fédération. Les journaux démocratiques invitaient les députes et les citoyens à se tenir en garde contre une épouvantable réunion de tigres, de lions, d’hyènes et de léopards qu’on devait renfermer sous les gradins qui conduisaient à l’autel de la patrie, afin de les lâcher sur les bons citoyens, au moment où ils viendraient prêter leur serment civique. M. de Talleyrand fit semblant d’en éprouver de l’inquiétude et l’Assemblée fit publier un procès-verbal signé par tous les membres de la commission des carrières et de la voirie pour constater qu’après avoir examiné soigneusement les bâtimens de l’École-Militaire, ainsi que tous les égouts voisins du Champ-de-Mars et les canaux souterrains qui servent à la conduite des eaux, ils n’avaient rien aperçu qui fût de nature à troubler la sécurité générale. Vous pouvez bien imaginer si ceux qui avaient mis en circulation de pareilles folies se moquèrent du gouvernement qui avait la faiblesse et la bonté de les faire démentir.

    Note de l’auteur