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SOUVENIRS

le style en est pur, élégant et simple ; enfin l’éclatant succès qu’ont obtenu les lettres de Stéphanie saurait manquer d’assurer à la Comtesse de Beauharnois un rang très distingué dans la littérature de son temps. Quelques instances qu’on ait pu lui faire, elle n’a jamais voulu publier qu’un volume de ses poésies, et vous verrez qu’il renferme des héroïdes et des pièces fugitives aussi remarquables pour leur agrément que pour leur correction.

Je ne vous ferais pas bien connaître Mme  de Beauharnois si je négligeais de vous parler de son cœur et de son caractère. Elle a pu réunir à la plus parfaite beauté l’instruction les talens et le savoir modeste ; à la fermeté la plus constante une douceur inaltérable ; à la générosité sans bornes, une exquise délicatesse. Elle est restée le plus parfait modèle de cette ancienne urbanité française dont les traditions se perdent, et dont bientôt il ne restera plus chez nous que le souvenir. La Maréchale de Sennectère (Marie de Saint-Pierre), disait toujours : — C’est vrai, mes filles sont assez polies ; mais c’est ma nièce de Beauharnois qui est ma meilleure écolière en fait de politesse ! Toutes ses manières sont remplies d’une dignité douce, image de son âme ; elle est prévenante affectueuse, affable ; personne ne s’entend mieux qu’elle à rapprocher les distances, mais sans les confondre, et son cœur n’aime à les franchir que lorsque le mérite en fait une obligation. Je ne pense pas qu’un seul mot qui puisse affliger soit jamais sorti de sa bouche, et je puis témoigner que son cœur ne s’est jamais fatigué d’obliger. Si elle avait eu le bonheur d’épouser