Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

à me décider pour aller faire une visite à M. Target, à qui je ne trouvai rien à dire. Il avait attaché sur moi son petit œil bleu céleste, et m’avait dit en souriant malicieusement comme un niais de Sologne : — Vous êtes connue de M’ame Tessé qui est parente avec la femme du général Lafayette ? — Oui, Monsieur, lui dis-je, en souriant tout de même, elle est ma nièce à la mode du Finistère et du Morbihan. J’en restai là ; mais il alla dire ensuite à M. de Tessé que j’avais l’air d’être une bonne femme, et de ne pas manquer d’esprit.

Ce qui m’a coûté le plus sensiblement dans toutes ces démarches, c’est d’avoir été parler de notre affaire à l’Abbé Dillon que j’avais rencontré jadis à l’hôtel de Noailles, et que je n’avais pas revu depuis qu’il s’était enrôlé sous la bannière de la révolution. Il avait passé jusque-là pour un homme infiniment scrupuleux ; mais sa conduite a suffisamment prouvé que sa conscience et sa véracité n’étaient que du pointillage. Je me souviens qu’il n’avait pas voulu lire le testament politique du Cardinal de Richelieu, parce qu’il en avait suspecté l’ingénuité littérale : — mais, lui répondait le Maréchal de Noailles, on ne saurait dire que le Duc de Sully soit l’auteur de ses établissemens ; je vous assure que le Chevalier de Gramont n’a pas écrit une seule ligne de ses Mémoires, mais je ne les en trouve pas moins instructifs et divertissans, car ils ont été rédigés de son temps, de parfaite conscience, et précisément dans sa manière de penser, d’écrire et de parler.

Je vous dirai surabondamment, à propos des