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SOUVENIRS

— Mais j’ai vu, me dit-il, avec une mine de furet qui ferait la petite bouche, j’ai vu M. de Créquy dimanche, avant-hier, et je dois penser que celui-là n’est pas M. votre fils ?

— Vous êtes jurisconsulte, Monsieur, lui dis-je en allant au fait, et vous êtes député de l’Artois, province de mon fils. Vous allez avoir à décider sur une poursuite dont il est inutile de vous signaler l’extravagance ; et partant de là, j’épluchai devant lui toutes les impostures et les folies de ce Nicolas Bézuchet, qui n’étaient pas difficiles à démontrer, ne fût-ce que par les dates ?

Il m’écouta fort attentivement, mais d’un air très sec, et comme il entreprit de m’interroger sur les dispositions patriotiques de mon fils et sur mon civisme

— Monsieur, lui dis-je en l’interrompant, je suis trop vieille pour me tenir longtemps sur mes jambes et pour jouer la comédie ; souffrez que je m’asseye, et n’exigez pas que je vous parle de la révolution.

— Je vous supplie de me pardonner ! s’écria-t-il en se précipitant pour m’avancer une bergère. Excusez ma distraction, je vous en supplie très humblement. Ce ne sera jamais, ajouta-t-il, avec un ton formaliste et pénétré, ce ne sera jamais de ma part, de la part de Roberspierre, député de l’ancien Artois, que Madame de Créquy pourra se plaindre d’un manque d’égards !

Je fus aussi contente de lui qu’il était possible. Il me dit que ce pétitionnaire qu’il ne savait comment appeler, était un fourbe, un faussaire, un mal-