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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

une plaie honteuse ! je n’aurai jamais la lâcheté de m’adresser à lui, quoi qu’il arrive ; j’en rougirais pour la noblesse de France et j’en aurais l’horreur de moi-même ! Je ne lui dirai jamais une parole, à moins que ce ne soit quelque parole de mépris ; et je crois véritablement que j’aimerais mieux monter à l’échafaud que d’entrer chez lui pour aller m’asseoir à côté de lui ?… Je n’en aurais pas honte au moins ?…

Enfin, mon enfant, j’ai bien voulu me présenter chez Roberspierre et je n’ai pas voulu aller chez M. de Talleyrand ; vous comprendrez cela.

Lorsqu’il avait été convenu que j’irais chez Roberspierre, je n’en fis pas la moindre difficulté ; il était loin d’être à l’apogée de son crédit conventionnel et de ses crimes ; il avait plutôt l’air d’un pédant que d’un tyran, et d’ailleurs on n’avait à lui reprocher ni d’avoir avili la dignité d’un gentilhomme, ni d’avoir souillé son caractère épiscopal. Écoutez donc ma visite à Roberspierre, lequel était logé modestement rue Saint-Honoré, dans la maison d’un menuisier, et précisément en face de la rue St.-Florentin[1].

J’étais partie de chez moi à huit heures précises, et j’étais montée dans une voiture de mon fils dont les armes avaient été recouvertes par un nuage accompagné d’une légende grecque dont je ne me rap-

  1. Cette maison a été démolie, en 1803, pour ouvrir une rue qui porte le nom de ce général Duphot dont on avait célébré les funérailles au corps législatif. Voyez au chap. précédent.