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SOUVENIRS

plique, et j’en ai ri toutes les fois que j’y ai pensé.

Revenons donc à ce procès, étrange épisode de ma longue vie ; vous savez que je n’ai pas entrepris de vous faire l’histoire de France avant ou pendant la révolution : l’effet d’une révolution pareille à la nôtre était d’isoler et de contracter nos sentimens dans un cercle d’affections tellement restreint, qu’au-delà de notre Souverain, de sa famille, de la nôtre et de quelques amis intimes, on ne voyait personne et l’on ne songeait à nulle autre chose qu’à bien mourir. Tout ce que je vous dirai dorénavant, sera purement et simplement mon histoire, attendu que je ne me suis plus occupée que de ce qui regardait personnellement les prisonniers du Temple et M. le Duc de Penthièvre, mon fils, ses enfans, mes vieilles amies et quelques bons prêtres à qui je donnais l’hospitalité chez moi.

Le deuxième anniversaire de la prise de la Bastille avait été célébré de la manière la plus tyrannique, car on nous avait envoyé l’ordre d’illuminer, exigence à laquelle je n’avais pas voulu satisfaire, et ce dont il ne m’arriva rien, grâce à Dieu ! Vous verrez qu’il m’a toujours fait la grâce de ne montrer aucune faiblesse et de ne donner aucun scandale.

Il y avait eu la veille une horrible parade à Notre-Dame, où l’évêque constitutionnel de la Seine avait trôné sur la chaire de M. l’Archevêque, en assistant à la représentation d’une parade intitulée Conquête de la Bastille, lequel hiérodrame était mêlé d’évolutions militaires avec des couplets fabriqués par un jeune homme appelé M. Désaugiers