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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Les ponts se baissent, et la première chose qu’on fait est de se saisir du Gouverneur, du Major, de l’aide-Major, de ses deux lieutenans, et de quelques-uns de ces pauvres invalides, qu’on entraîne à la place de Grève. On les égorge, on leur coupe la tête, ainsi qu’à M. de Flexelles, qui descendait courageusement le perron de son hôtel-de-ville, et qui venait au-devant du peuple à dessein de protéger ces malheureux prisonniers ; on promène dans toutes les rues de Paris leurs têtes coupées et montées sur des piques ; et finalement on va les planter dans le jardin du Palais-Royal, sous les fenêtres de M. le Duc d’Orléans. C’est le premier hommage qui lui ait été présenté par la révolution française ; c’est le premier tribut de carnage et de sang humain qu’il se soit fait payer par les misérables qu’ils soudoyait, et voilà tout ce que cette conquête de la Bastille a eu d’héroïque.

Relativement à la célèbre députation du genre humain que fut admise au milieu de l’Assemblée nationale, dont elle venait complimenter la haute sagesse, et qui fit un si bel effet dans tous les journaux patriotiques, je vous dirai que c’était une agrégation de garçons culotiers et de vieux portiers allemands et suisses, avec des fumistes lombards et des charlatans distributeurs de vulnéraire italien, sans compter une trentaine de valets nègres, et deux ou trois marchands de pastilles à bruler, de cosmétique du sérail et autres ingrédiens lévantins (scélérats enturbanés et maudits que Dieu confonde avec les infections de leur abominable essence de roses !)

On les avait barbouillés de gros rouge et grotes-