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SOUVENIRS
penser de toute l’armée, de toute la France, et j’ose dire de toute l’Europe instruite. Une conduite contraire fait le sujet des interprétations les plus fâcheuses, et donnerait matière à la malice des conversations du public. J’ai toujours pensé et agi comme Achille : Je ne fait point la guerre aux morts, et je ne tue les vivants que lorsqu’ils m'attaquent les premiers. Vous pouvez à cet égard prendre par écrit ma parole d’honneur sur ma conduite future. Vos grandes occupations vous ont fait oublier, Monseigneur, qu’il a plus de quinze mois, vous m’avez donnez votre parole que je serais heureux et content quand j’aurais obéi au Roi en gardant mes habits de fille. J’ai obéi complètement, je dois espérer d’un mimstre aussi grand et aussi bon que M. le Comté de Maurepas, qu’il daignera me tenir sa parole et me remettre in statu quo. Il ignore que c’est moi qui soutiens ma mère et ma sœur et de plus mon beau-frère et mes neveux au service du Roi ; que j’ai encore à Londres une partie de mes dettes, ma bibliothèque entière, mes papiers et mon appartement qui me coûte vingt-quatre livres de loyer par semaine, tandis que je ne suis pas encore payé ici de ce qui me reste légitimement dû par la Cour ; qu’après avoir servi le feu Roi à son gré, en guerre et en politique, depuis ma jeunesse jusqu’à sa mort, je ne suis pas encore en état de meubler ma maison paternelle en Bourgogne pour l’aller habiter. M. le Comte de Maurepas doit sentir que mon obéissance silencieuse doit avoir un grand mérite à ses yeux ; que dans ma position femelle je suis