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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

volée de coups de bâton, comme je n’en avais jamais reçu ; ah ! justes dieux ! quelle volée de coups de bâton ! Je ne comprends pas comment j’ai pu m’en relever ?… Mais je voulus me dédommager de cette contrariété par un profit pécuniaire ; j’entrepris de faire régler mes comptes avec M. Paris-Duverney qui venait de mourir ; je risquai, comme je l’ai publié moi-même éloquemment, de me faire payer, ou de me faire pendre. Je ne fus pas pendu…

— Mais vous direz tant mieux, j’espère ?

— Je fus blâmé par arrêt de la grand’chambre du parlement, où M. le Président Bertier de Sauvigny me fit mettre à genoux, tête nue, les mains jointes, afin d’écouter ces paroles qui me furent adressées judiciairement par ce magistrat, — Caron, dit Beaumarchais, la Cour te blame et de déclare infame.

— Monsieur de Beaumarchais, voilà qui me paraît désagréable pour vous ?

— Tout au contraire, et mille fois tant mieux ! je devins le martyr du patriotisme ; je fut regardé comme une victime de l’arbitraire et de la tyrannie. Un bel esprit de mes amis, qui s’appelle M. Gudin, me surnomma le Brutus de la France. Tout blâmé que j’étais, et peut-être aussi parce que j’avais été noté d’infamie, je fus admis à la table de Monseigneur le Duc d’Orléans ; je fus chargé d’une mission pour Londres et d’une commission pour Vienne ; il s’agissait de faire enlever Mlle  d’Eon qui me fit trembler, et de surprendre le secret d’un secrétaire de l’Impératrice-Reine qui me fit chasser de ses États ; enfin je me décidai à gagner de l’argent pour soutenir la liberté du Nouveau-Monde, en at-