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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

généreusement disposés, ils auraient besoin d’un entourage à grands sentimens, et ce n’est pas avec des calculs économiques et des habitudes mesquines qu’on pourra venir à bout de leur élever le caractère. L’avarice est le pire défaut que puissant avoir des princes, et quand un homme avare est puissant, le danger des plus grands crimes ou des lâchetés les plus infâmes est toujours au bout de son avidité. Je ne tiens aucun compte des autres accusations dont on voudrait noircir Mme  de Genlis et je n’y crois pas le moins du monde ; je désire qu’elle parvienne à réformer et bien élever les enfans de M. le Duc de Chartres, à leur inspirer des sentimens conformes à la noblesse de leur origine, à les diriger dans les sentiers de l’honneur et de la vertu ; c’est un vœur, si ce n’est une espérance, et dans tous les cas, c’est une chose dont je ne me mêlerai point.

L’appétit vient en mangeant (des anchois ou des cornichons), ajoutait le vieux Duc d’Orléans, et ce charmant appendice a toujours été regardé comme son plus bel effort de génie. Par application du proverbe, aussitôt que Mme  De Genlis eut obtenu la certitude d’être gouvernante, elle éprouva la fantaisie d’être nommée Gouverneur, et le Chevalier Bonnard en fut tellement révolté qu’il en vida brusquement les lieux en lui tournant les talons, sans parler de son quinze.

On raconta que le Duc de Chartres était allé demander la permission du Roi, suivant l’usage, au sujet de la nomination d’une femme à l’emploi de gouverneur de ses enfans, ce qui était une innovation sans exemple. On ajoutait que le Roi parut étrange-