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SOUVENIRS

naître la ligne d’écriture où l’on s’était arrêté la veille.

J’ai vu dans le bourg de St.-Fal, auprès du château de Mme votre mère, une cataleptique, appelée Mlle de Bourgneuf, qui passait huit mois de l’année couchée sur le dos sans manger, sans boire et sans faire aucune espèce de mouvement. Sa respiration n’était pas sensible à l’oreille, et son expiration ne marquait pas sur le miroir. Elle se réveillait subitement au bout de son accès ; elle vivait pendant cent vingt et un jours à la manière de tout le monde, et retombait en catalepsie pour deux cent quarante et deux jours, bien comptés ; ce qui s’est exécuté périodiquement pendant sept années consécutives, et jusqu’à sa mort, arrivée le 3 octobre 1765.

J’ai vu la cataleptique de l’abbaye de Montmartre, et j’ai vu comme tout le monde, ou j’ai cru voir, au moins ; car, en vérité, dans une vision pareille, il est permis de suspecter le témoignage de ses propres yeux, de ses oreilles et de sa judiciaire humaine ! J’ai cru voir, il m’a semblé, on ne doute pas, et nous avons dû croire que cette pensionnaire de Montmartre avait non pas lu, si vous voulez, mais aperçu, devant nous, les yeux fermés et par l’estomac, le contenu de deux lettre pliées, fermées et cachetées, que M. Bergasse venait d’écrire dans une autre chambre, sous la dictée de la Maréchale de Ségur et de la Comtesse de Virieu qu’il n’avait jamais ni vues ni connues, auxquelles il n’avait jamais écrit, ni fait parler ; et qui du reste n’auraient pas voulu se prêter à des