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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

étonnée de la voir me répondre avec un air vindicatif et d’un ton courroucé : — Ne parlons pas de cela, s’il vous plaît ! — Je crus que j’en allais mourir de rire, et Mme de Fleury, qui était bien malade, et chez qui la scène se passait, en eut des convulsions qui faillirent la tuer.

Je me souviendrai toute ma vie d’une entrevue que nous eûmes ensemble avec la mère de la Marquise de Sillery, et ce que je vous en dirai pourra suffire à vous donner une idée positive et précise de ces deux étranges personnes (la Princesse et Mme du Crest).

La Princesse de Vaudémont avait été très malade, et d’une singulière maladie, car elle restait quelquefois quarante-huit heures sans donner aucun signe de vie, et puis elle se réveillait et se relevait subitement pour aller se casser la tête contre les murs, ce qui détermina sa belle-mère à faire matelasser toutes les parois de son appartement, où personne ne put la voir pendant cinq ou six mois. Les médecins l’envoyèrent ensuite aux eaux de Bourbon-Lancy, où j’étais allée de mon côté, et où Mme de Brionne m’avait fait supplier de la surveiller pour son régime et de la chapitrer pour le surplus. J’y perdis mon temps, mes paroles et ma patience, car elle ne mangea que des raves, et ne voulut jamais boire autre chose que du lait de beurre : voilà pour le régime ; et quant au surplus, elle ne voulut jamais aller faire une visite qu’elle aurait dû rendre à la Présidente Molé[1], parce qu’elle avait la peau trop

  1. Bonne Bernard, fille du fameux Samuel Bernard, et femme de Mathieu-François Molé, Président au Parlement de Paris.