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SOUVENIRS

rable ; M. de Saint-Germain nous met en danger de retomber en enfance ; et quand on a des procès, des affaires en litige ou des filles à marier, on n’est pas toujours bastant pour retourner à la bavette et la lisière ; j’en conclus qu’on ne saurait apporter trop de précautions… M. de Saint Germain s’était esquivé tout aussitôt qu’il avait aperçu que le Prince de Craon se moquait de lui.

Depuis ce moment-là, ce fut à qui se moquerait de M. de Saint-Germain, à qui le petit Maréchal (de Bièvres) allait faire des histoires comme à la tâche et à la journée. Je me souviens qu’un jour il avait arrêté dans leur marche précipitée (c’est Daniel Wolf, dit Saint-Germain) M. de Créquy, votre grand-père, et le Comte de Boulainvilliers, qui se promenaient dans les Tuileries, et c’était pour leur demander ce qu’il y avait de réellement vrai dans la singulière aventure de la Marquise de Jaucourt. Ils n’en avaient rien ouï dire, et le voilà qui se met à leur conter comme quoi cette petite Marquise allait à Versailles en grand habit pour y faire sa cour, et qu’en suivant la rue de Bellechasse, elle avait été soulevée par un cahot de sa voiture qui l’avait fait passer par la portière, en sorte que ses gens n’avaient plus rien trouvé dans le carrosse en arrivant au pied du grand escalier (de Versailles). Il avait fait une averse abominable, et, grâce à ses énormes paniers, la petite coquette avait flotté majestueusement sur le ruisseau qui bat toujours les murailles dans cette rue de Bellechasse aussitôt qu’il pleut. Maréchal de Bièvres ajoutait qu’elle ne s’était arrêtée qu’au grillage de l’égout, où M. l’Abbé