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SOUVENIRS

portais me rendit souple et câline à cet excès que j’en allai faire une foule de complimens affectueux et de politesses prévenantes aux ennemis des Richelieu, ainsi qu’à toutes les dames qui passaient pour ne pas aimer Mme d’Egmont. J’espérais que ces coquetteries-là tourneraient à son profit. Pauvre Septimanie !…

Dans les âmes religieuses et sensibles, le fruit de l’expérience est l’indulgence. Si la foi fait les dévots et si le zèle fait les martyrs, c’est la sensibilité qui fait les saints.

En montant dans nos chaises au pied de l’escalier et sous le vestibule de Mesdames de France, au moment où mes porteurs allaient soulever la mienne, qui devait passer la première, j’entendis derrière ma chaise une voix sonore et vibrante qui disait avec un accent d’alarme et d’enivrement : — C’est vous ! — c’est bien vous !… Je ne vis personne et je n’entendis pas la réponse de Septimanie, qui ne fit que pleurer, sans me rien dire en nous en revenant à Paris. Heureusement que celle de mes femmes que j’avais amenée s’était endormie d’avance en nous attendant dans la berline, et qu’elle ne s’aperçut de rien.

J’allais aller à l’hôtel de Richelieu le lendemain matin, pour y voir Mme d’Egmont, quand on vint m’annoncer M. son père. Il avait sans doute imaginé que mon attachement pour sa fille et ma surprise lui aplaniraient la voie des explications, et que j’allais ouvrir la tranchée devant lui ; mais le Maréchal de Richelieu n’était pas un homme avec qui je voulusse parler ouvertement sur pareilles matières