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SOUVENIRS

savans, qu’il honorait de sa protection et qu’il encourageait de ses bienfaits, en préférant comme de juste ceux dont les travaux avaient pour but la gloire de la religion ou le bien public. Il avait accordé une pension à M. l’Abbé François, qu’il a eu soin de lui conserver par le codicille de son testament, et voici les propres termes dans lesquels il s’en explique : Voulant prendre sur moi la reconnaissance de l’obligation qu’a le public au sieur Abbé François, auteur d’un ouvrage récent sur les preuves de notre religion, et le mettre en état de continuer des travaux aussi utiles, je donne et lègue audit sieur Abbé François cinq cents livres de rente en pension viagère. » Il est vrai que ceux qui n’excellaient que dans les belles-lettres ou la poésie avaient peu d’accès et point de faveur auprès de ce Prince. Ennemi des louanges, il craignait par-dessus tout de se voir célébré par les poètes et les autres panégyristes de notre époque. Ses austérités et son application lui causèrent une douloureuse maladie qui n’a pas duré moins de quatorze ans, et, si mal qu’il fût, on n’a jamais pu le décider à le laisser changer le coucher de son lit. Quand on lui représenta que les médecins regardaient cet adoucissement comme nécessaire, et que sa faiblesse exigeait un lit plus commode que celui dont il usait ordinairement, il répondit que les médecins ne songent point assez à l’âme ; que plus on approche du terme de la pénitence et plus on doit redoubler de zèle ; qu’il avait toujours mis son devoir à se tenir dans une situation gênante, et qu’il y voulait persévérer jusqu’au dernier soupir. Dans ses derniers momens,