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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

des constables qui voulaient l’arrêter pour avoir troublé la paix du Roi. Il a cru reconnaître le même Devergy dans la personne du sieur Caron de Beaumarchais, lorsque celui-ci fut envoyé par le Duc d’Aiguillon pour représenter à cet étrange et inflexible personnage la convenance et la nécessité d’obtempérer aux volontés du Roi ; car enfin M. d’Eon se trouvait en possession de plusieurs secrets politiques ; le cabinet de Versailles était alarmé de sa résistance opiniâtre, de ses hostilités contre l’Ambassadeur de France, et surtout de sa désobéissance aux ordres de M. d’Aiguillon. La sécurité du Monarque en était troublée, et cette dernière considération parut si bien décisive à notre mécontent qu’il ne trouva plus moyen de résister. L’idée d’avoir pu causer de l’inquiétude à S. M. lui fit tomber de grosses larmes des yeux ; il accéda tristement à tout ce que le duc d’Aiguillon lui faisait demander au nom du Roi notre maître ; il engagea sa parole d’honneur de retourner à Paris avant huit jours, et Beaumarchais, qui l’avait trouvé assis sur un baril de poudre, avec un pistolet à la main pour se faire sauter si l’on voulait user de violence, en fut quitte à très bon marché, c’est-à-dire pour ses inquiétudes mortelles et pour sa frayeur en voyant les apprêts d’une pareille disposition stratégique. Obsidionale aurait mieux valu, sed scripsi quod scripsi.

Vous trouverez partout ailleurs qu’ici le reste de l’histoire du Chevalier d’Eon, dont je n’ai voulu vous crayonner qu’une ou deux parties les plus secrètes et les mieux dissimulées à la curiosité