Page:Créquy - Souvenirs, tome 3.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
SOUVENIRS

de Leibnitz a dit à mon père qu’il n’y avait pas dans tout le Sacro-Saint Empire d’Allemagne une seule famille qui pût remonter au-delà du treizième siècle par documens authentiques ; et tout ce qu’il y a de plus assuré sur la noblesse et la généalogie de la maison de Wurtemberg, par exemple, c’est qu’elle ne pourrait faire les preuves qui sont fournies par les gentishommes de nos provinces afin d’être présentés à Versailles.

C’est dans les pays les premiers civilisés qu’on doit nécessairement trouver les familles les plus anciennes. Il n’y a point de noblesse sans privilèges héréditaires ; point de privilèges et d’hérédité possibles sans cartulaires ; point de cartulaires sans titres écrits, et point, de titres écrits quand personne ne sait ce que c’est que l’écriture. L’usage de l’écriture et son emploi généalogique ou diplomatique ne sont arrivés en Germanie qu’à la suite du christianisme, et par les Gaules qui l’avaient reçu de l’Italie. Les souverains allemands ne devraient pas oublier que le principal d’entre eux, le premier électeur de l’Empire, c’est-à-dire le duc ou roi de Bohême, était encore un idolâtre, un misérable sauvage, à la fin du onzième siècle ; et certes, ils ne pourront pas nous contester que ces princes lorrains, qui portent aujourd’hui la couronne impériale, ont été les vassaux de nos rois jusqu’en 1748. En L’année 1729 ou 30, autant qu’il m’en souvient, j’ai vu à-Versailles, et de mes deux yeux vu, l’Empereur François de Lorraine, aujourd’hui régnant, prêter foi et hommage pour son duché de Bar, à genoux, à deux genoux, devant le trône de France ! J’ai vu M. le Comte de