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SOUVENIRS

lui quand il était jeune, et l’on ne saurait imaginer toutes les méchancetés dont elle s’avisait contre elle. C’étaient quelquefois des noirceurs abominables, c’étaient souvent des tripotages de commère, et c’étaient pour le moins des espiègleries d’écolier. En fait de malices, elle en pouvait jouer sans relâche et sur toutes les cordes de son clavier, en bémol, en dièze, en bécarre, en majeur, en mineur, et sur toutes les notes de la gamme.

— Vraiment, disait-elle un jour à l’abbé de Bernis, il est bien cruel que je ne connaisse personne qui puisse me donner un bon conseil ! Voici venir le temps des étrennes ; il est impossible qu’on me laisse oublier la Marquise de Polignac, et je voudrais lui donner quelque chose qui lui fit bien de la peine.

— Mais, répondit l’autre, il me semble que si Madame donnait un très beau cheval de carrosse à la marquise, elle se croirait obligée d’en acheter un pareil : avare comme elle est, elle en aurait un dépit mortel !

— Vous n’êtes qu’un imbécile avec tout votre esprit ! laissez-moi donc tranquille avec votre imagination d’un cadeau de 150 louis, répliqua la princesse ; elle vendrait mon cheval d’étrennes et dirait qu’il est crevé.

Son Altesse Sérénissime se mit à courir les boutiques avec M. de Bernis, et Dieu sait tous les propos qui s’ensuivirent ! On découvrit un vieux lustre en porcelaine de Saxe, lequel était si volumineux dans toutes ses dimensions, qu’il en aurait paru démesuré pour le grand salon de Marly. La Duchesse