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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Gaston VIII, qui n’avait laissé qu’une fille appelée Marguerite, laquelle épousa le Comte Roger de Foix, ainsi qu’il est prouvé surabondamment par toutes les histoires et tous les nobiliaires de Gascogne. L’usurpation de ces Gaillard de Béarn était donc non moins visible et non moins ridicule que celle des Talleyrand de Périgord ; aussi pris-je la liberté de dire un jour devant Louis XV que si M. de Créquy, votre grand-père et mon mari, ne se faisait pas appeler le Comte d’Artois, de Hainaut, de Boulonnais et de Ponthieu, c’était uniquement par égard pour la couronne de France et par bon procédé pour la souveraineté du Roi. Nous en étions, ce me semble, à mon voyage de Versailles avec Mme d’Egmont pour y fêter la Saint-Louis.

Il me parut que Mme d’Egmont n’avait aucune envie d’entrer en explication avec moi, car elle me fit prier, à sept heures du matin, de venir la prendre en berline, afin de pouvoir emmener une de nos femmes, avec tout ce qui fait l’attirail d’une toilette au petit pied de campagne, c’est-à-dire un peignoir, une boîte à poudre, un miroir et un pot de rouge. Ma belle et brillante compagne avait passé toute la nuit sans pouvoir dormir, elle était souffrante, elle était courbattue, mais je trouvai qu’il n’y paraissait en aucune façon… Nous allâmes faire notre cour ensemble ; nous fûmes déjeuner, goûter et collationner chez Mmes de Tarante et d’Albret, car il ne fut pas question de dîner ce jour-là pour les commensaux de Versailles, et ceci, du moins, les dispensa de se mettre à genoux pour y boire à la santé du Roi, ce qu’on faisait encore à la table du Grand-Maître et à