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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

m’attendais à l’entendre nommer certain masque femelle, et que je me retournai précipitamment du côté de Leurs Majestés, qui m’avaient déjà devancée dans la chambre de parade, où je trouvai la pauvre Reine avec les yeux bien rouges et le cœur bien oppressé.

Le Roi nous parut singulièrement triste, mais sans aucun air d’irritation. — Je vous demanderai la permission de me retirer dans mon oratoire, attendu que je dois communier demain matin, lui dit la Reine avec une douceur ineffable… Le Roi lui baisa la main, qu’il appliqua sur son cœur en la regardant d’un œil attendri ; il eut soin d’ajouter qu’il ne manquerait pas de venir le lendemain souper chez elle ; et puis il se rendit auprès de Mme de Pompadour, qui logeait au château depuis deux ou trois mois, déjà.

— Je n’ordonne, je ne conseille à personne, et je ne vous demanderai jamais d’aller chez qui vous savez, me dit la Reine ; mais si vous aviez, comme je n’en doute point, l’intention de lui rendre la visite qu’elle est allée vous faire à Paris (elle qui n’en fait jamais à Versailles !) il me paraîtrait de bon goût que ce fût en ce moment-ci. Ne le pensez-vous pas ?

J’allais me regimber, lorsqu’elle ajouta : — C’est un attrait d’esprit et de pure amitié ; voilà ce que nous en devons penser charitablement, en bonnes chrétiennes, en bonnes Françaises ; et si vous allez chez Mme de Pompadour à cette heure, il est certain que cela va faire plaisir au Roi.

Au fait, elle était venue huit jours auparavant