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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

capucins de Paris, c’est-à-dire administrateur de leurs maisons, du produit de leurs quêtes et du reste de leur pécule[1]. M. de Paulmy lui répondait toujours qu’il n’entendait rien à la théologie, et ceci n’empêchait pas le Duc d’Orléans de lui soumettre encore des problèmes tels que ceux-ci, par exemple : « La Grâce est-elle chrétienne ? et comment faut-il « entendre la maxime de saint Paul : Il vaut mieux se marier que de brûler ? » — Remariez-vous, lui répondait M. de Paulmy. Mais ceci n’aurait pas fait le compte de notre pédant, qui ne voulait qu’argumenter sur la Vulgate et la version des Septante.

L’autre confident de ce Prince imbécile était le vieux Duc d’Aumont qui faisait le puriste, et auquel il ne manquait jamais de soumettre toutes sortes de difficultés grammaticales. (En fait de beaux parleurs, je me souviendrai toujours d’un huissier de la chambre du Roi qui disait un jour à mon fils, lequel avait failli se trouver mal et s’appuyait contre un pilastre du lit de S. M. : — Je vous

  1. Antoine-René de Voyer de Paulmy d’Argenson, Marquis de Paulmy, Chancelier garde-des-sceaux et grand’croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, l’un des 40 de l’Académie française, etc. C’était un savant très gauche, un entêté bibliomane, et du reste un très digne homme. Il a marié sa fille unique, Adélaïde-Geneviève de Voyer, au Duc de Luxembourg, ce dont il est résulté deux enfans, savoir : une fille mariée avec Don Louis de Portugal, Duc de Cadaval, et un fils qu’on élevait à l’Arsenal, chez M. de Paulmy, son grand-père, où il a passé toute son enfance habillé en capucin. C’est le Duc de Luxembourg d’aujourd’hui. Vous ne vous en seriez sûrement pas douté ; mais je ne doute pas qu’il ne s’en souvienne.
    (Note de l’Auteur, 1802.)